Le Dicton du jour :
« À la Saint-Corentin, si la révolte ne vient pas, accuse le froid, la lune… jamais ton coup de main. »
Felini
Restaurant |75009 PARIS
Avec un seul L. Ce n’est pas une faute pour cette adresse ouverte récemment. On est un peu dérouté au départ car avec un nom pareil on s’attend à trouver une cuisine italienne et en fait la courte carte est mixte. Elle alterne plats français et italiens.
La cuisine est absolument remarquable.
Par envie je me suis focalisé sur la version italienne et ce fut une réussite totale. La cuisine est fine, précise et de haut vol. J’ai observé les autres convives et j’ai pu constater que le plaisir était largement partagé.
C’est un petit restaurant. Très cosy. Les propriétaires en ont tiré le meilleur parti.
Le service est très sympathique et très attentionné. On ressent une certaine fierté de porter le travail - très réussi - de la cuisine.
Sélection de vins pertinente.
Ce constat fut largement partagé par mon invitée, réputée pour son exigence.
Prix très sages et donc… réservation obligatoire !
Oscar et Thibault
Felini
50 rue Saint Georges
75009 Paris
Quand de Musset s’absinthe chef Kobylt part en cueillette, le livre au vent (des îles)
Élu à l’Académie française en 1852, Alfred de Musset ne montre pas beaucoup d’assiduité […] Mais Abel François Villemain, le secrétaire perpétuel de l’institution n’est pas dupe. À un des Quarante qui s’étonne que «Monsieur de Musset s’absente si souvent», il répondra tout de go : «Vous voulez dire, cher confrère, qu’il s’absinthe un peu trop».
Historienne, Hélène Tierchant* vient de rajouter à ses plus de vingt livres publiés (par exemple, un Ces animaux qui ont marqué l’histoire et un Ces plantes qui ont marqué l’histoire ; Ed. Ulmer, 2015 et 2016), toujours chez Ulmer, un savoureux les 100 plantes qui ont fait l’histoire.
Organisé par ordre alphabétique, le livre commence donc par les rapports entre la fée verte et les absences de l’académicien. Mais il raconte aussi l’involontaire velléité politique du «Chêne de quarante mètres», officiellement baptisé «Chêne Maréchal Pétain», le 8 novembre 1940, plaque remplacée, le 13 février 1944, par des maquisards du FTP, par une autre où est inscrit «Chêne Gabriel-Péri», en «hommage à ce député communiste fusillé par les Nazis en décembre 1941»[…] «il faudra attendre 1962 pour que cessent les controverses, avec la pose d’une nouvelle plaque indiquant sobrement «Chêne de la Résistance».
Urticant, pas vraie ? Comme l’ortie (Urtica, famille des Urticacées) dont les «pointes de silice, seringues miniatures emplies d’un cocktail de liquides urticants» n’ont pas empêché les orties de constituer pendant des siècles la base de l’alimentation des paysans, tantôt bouillies à la façon des épinards, tantôt mijotées en potages -la soupe d’orties est un classique de la gastronomie russe- ou bien encore consommées fraîches en salade.
À condition -prévient Tierchant- «que les feuilles aient été ébouillantées au préalable afin de neutraliser les poils irritants !». Le savent-ils les jeunes chef(fe)s du XXIème siècle qui récupèrent des orties dans leurs plats ?
Souvenir, souvenir : dans España, encrucijada de culturas alimentarias (non traduit : Espagne, carrefour de cultures alimentaires ; du philosophe et biologiste espagnol Eloy Terrón, 1919-2002), véritable encyclopédie sur la diffusion mondiale des plantes américaines, on souligne que «partout où les hommes ont habité il y a eu des orties».
Et Terrón de remarquer que «nos ancêtres paysans ont mangé tout ce qui été à leur portée en se faisant même des nourriciers ragoûts d’orties».
Artistiques les plantes, comme ce pastel (Isatis tinctoria, famille des Brassicacées) qui inspira des peintres (avant que Yves Klein ne dépose son propre IKB, International Klein bleu) ou, d’un point de vue d’écrivain, ce Papyrus, qui n’est pas un grand père slave mais cyperus papyrus, terme latin d’où dérive le mot français papier.
Mais si l’on se limite aujourd’hui à «dévorer» un roman, au temps des pharaons, «dans les campagnes, tout le monde mâche le papyrus cru, bouilli ou grillé», ce qui est aussi un art.
On passe aux fruits ? Du Caire à Montreuil, celle qui est aujourd’hui et en même temps «la deuxième ville de Mali» pour la quantité de Maliens qui y vivent et « one de gentrification» de Seine-Saint Denis, ce qui donne de la pêche aux habitants, la ville a été surnommée Montreuil-les-Pêches, quand elle «inondait les tables des grands de ce monde de fruits succulents».
Pour conformer l’ivresse d’histoire avec celle des comptoirs, on termine avec Vitis vinifera, famille des Vitacées, de préférence quand la région parisienne avait de la bouteille.
En effet, «jusqu’à la Belle Époque, l’Île-de-France était couverte de vignes -signale Tierchant- ainsi que des cabarets, très fréquentés par les Parisiens parce que les vins y étaient vendus beaucoup moins chers que dans la capitale intra-muros, n’acquittant pas de droits d’octroi».
Qu’importe la barrique pourvu qu’on ait l’ivresse : en 1558, quand Henri III ordonne aux troupes cantonnées dans les faubourgs d’entrer à Paris pour contrer le duc de Guise, «les habitants du Quartier Latin et de l’île-de-la-Cité s’emploient à barrer les rues avec des pavés, des auvents de fenêtres, des meubles mais aussi avec les barriques vides entreposées dans les arrière-salles des cabarets. La «barricade» est née».
Et des plants en fleurs, voilà un livre d’expérience, La cuisine des fleurs et plantes tropicales, d’un cuisinier, Wilfrid Kobylt**, formé à la cuisine des fleurs en Suisse par la légendaire Judith Baumann qui l’a fait devenir cuisinier-cueilleur et qui à Tahiti, puis à Raiatea et maintenant à Bali, continue sa recherche.
Le livre démarre avec un Partir en cueillette, suivi de Notre lien à la nature, Identifier les plantes et enfin l’Herbier, ce qui permet d’aborder en connaissance de cause (bon, un peu : je suis un gourmet urbaniste) les recettes des onze entrées, 17 plats et treize desserts, sans oublier les trois garnitures dont un attirant beurre de pétales de fleurs et petites herbes folles.
Mais il s’agit aussi de transmission éditoriale, en insistant au passage sur la rareté d’un pays européen, la France, avec frontières en Polynésie, aux Antilles, Alaska, l’océan Indien, et où on peut donc exister, à 1 millier de km de Saint-Germain-des-Prés, une maison d’édition comme Au vent des îles, fondée par Christian Robert en 1990 à Tahiti en Polynésie française,«spécialisé en auteurs du grand Pacifique, étayé au fil des ans de traductions des plus grands auteurs anglophones de la région et riche d’un catalogue en langue française de plus de deux cent cinquante titres». Un fond qui réunit «des auteurs Polynésiens, Calédoniens, Maoris de Nouvelle-Zélande, Samoans, Mélanésiens, Aborigènes d’Australie, Australiens,Fidjiens, Papous…, résolument ancrés sur leur île mais façonnés par une histoire commune, ils imprègnent leurs écrits d’une ambition partagée : donner à lire l’Océanie autrement».
Et je veux finir par un autre livre d’Au vent des îles, qui ne parle de plats mais où l’on mange parce qu’on est un livre habité. L’Arbre de l’homme, de Patrick White***, c’est un de ces romans qu’on ne peut pas laisser et qui fait une place au lecteur pour suivre les hauts et les bas des vies érigées en personnages grâce au style de White, qui permet de lire les plus petites hésitations, des respirations, tout ce qu’on ne voit même pas chez les autres ou chez soi-même dans la vie qu’on appelle réel.
Cela se passe dans les plaines d’Australie, à la veille de la Première Guerre mondiale, événement qui touchera le livre mais sans plus d’importance que les accidents de la vie, les champs brulés sans pompier en vue et avec un faible apport d’eau, les sécheresses, les inondations.
Stan Parker, l’homme de l’arbre, rencontre Amy dans un bal et une semaine après ils sont mari et femme unis et en même temps inconnus, habitués l’un à l’autre, l’homme qui se tait, la femme qui se languit sans savoir de quoi au juste…
Le pire, ou le meilleur : ce roman fabuleux a été publié en 1955, mais il vient d’avoir sa première traduction en français (signé de David Fauquemberg) grâce Au vents des îles.
Honte au journaliste culturel que je suis, donc. Puisque c’est en ouvrant le livre que j’apprend que Patrick White (1912-1990) a été, en 1973, «le premier écrivain australien et océanien lauréat du prix Nobel de littérature et le seul à ce jour».
Et pour ceux qui voudront acheter ces deux livres français et cependant venus d’ailleurs, une autre découverte, celle de la librairie Calypso, «la seule à Paris spécialisée Outre-mer», d’après Claire Darfeuille, responsable de la maison d’édition «en métropole».
Et justement, pendant la présentation, là, de son livre Le Pacte des baleines, l’auteur maori de Nouvelle-Zélande Witi Ihimaera**** a commencé et finit sa participation en chantant des chansons en maori, d’une part pour souligner que la transmission de la mémoire maori a été faite plutôt par voie orale que par écrit et qui donc son devoir consiste à prolonger dans le texte les histoires.
«C’est à dire, expliqua, à me servir de l’I.A., l’Intelligence Ancestral».* Hélène Tierchant : les 100 plantes qui ont fait l’histoire. Ulmer. 223 pages. 24,90€
** Wilfrid Kobylt : La cuisine des fleurs et plantes tropicales.
219 pages. Au Vent des îles, 2025. 29€*** Patrick White : L’Arbre de l’homme, 575 pages. Au vent des îles, 2025. 27€
**** Witi Ihimaera. Le Pacte des baleines. Traduction Mireille Vignol. Au vent des îles, 2025
Librairie Calypso. 32 rue Gassendi, 75014 Paris.
Tél.: 01 73 70 07 94 . Mardi de 15h30 à 19h. Mercredi au samedi de 11h à 14h, puis de 15h à 19h. Fermé dimanche et lundi.Et pour réunir l’utile et l’agréable juste en face de Calypso, Le Cornichon (34 rue Gassendi, 75014 Paris. Tél.: 01 43 20 40 19. fermé le weekend) fait toujours dans l’excellence bien tarifé et surtout sans punir les dîneurs : 35€ au déjeuner et 42€ au dîner, entrée, plat, dessert.
Oscar Caballero est journaliste culturel, chroniqueur gastronomique et auteur. Notamment de « Quand la cuisine fait date”.
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Les produits de saison
Les produits que l’on peut légitimement trouver sur nos tables en cette saison.
Les endives
C’est un petit rappel, nous entrons dans la pleine saison. Une des salades les plus faciles à cuisiner (en fines lamelles et avec moutarde douce dans la vinaigrette bien sûr) mais aussi un légume qui se cuit facilement. On le laisse caraméliser dans la poêle et on obtient un accompagnement savoureux et léger. What else ?
Le foie gras
C’est celui de l’oie ou du canard (mais ce dernier réduit beaucoup à la cuisson), hypertrophié par un engraissement méthodique, dénommé gavage. Les grandes capitales du foie gras sont Toulouse et Strasbourg (mais Périgueux et Mont-de-Marsan ont aussi leur rôle). Ce sont deux puissants Dieux et l’on ne doit parler qu’avec respect de ce mets magnifique dont la somptuosité sans rivale vient de son essence propre, sans apprêt extérieur.
(Source : dictionnaire de l’académie des gastronomes)








