Le Dicton du jour :
« À Sainte-Philomène (14 Novembre), misère dans les garennes. »
Contraste
Restaurant |75008 PARIS
En ce moment, la rue d’Anjou, entre Concorde, Madeleine et Élysée, est devenue « foody » : chacun peut y choisir son style (et son budget) de repas entre différentes enseignes tout aussi accueillantes.
Chez Contraste, ce fut un moment de plaisir continu tout en restant dans le tempo d’un déjeuner de travail. Grâce, justement, au « menu business » en quatre services (98 euros).
Dès les amuse-bouches, démarre un festival de saveurs : de la blette aux parfums de sapin, d’ail noir et de parmesan à la coquille saint-Jacques au bouillon de pot-au-feu. Puis Sandre frit sur la peau et bisque d’écrevisses ou bœuf aux oignons confits et crème Soubies. Pour finir le coing (aux épices : poivre de verveine et condiment gingembre) ou la crèpe soufflée, confit d’orange et glace au lait ribot.
Un service rapide et précis offre des explications sans pédantisme en nous faisant grâce du « plat signature du chef » ou du « ça vous a plus ? ».
A la carte, il y a un lièvre à la Royale sous les deux espèces : façon Antonin Carême ET Sénateur Couteaux (75 euros) mais il faudra revenir spécialement.
Olivier J
Contraste
18 rue d’Anjou
75008 Paris
A noter : la Maison Braise, du même groupe, sur le trottoir en face, spécialisée dans les viandes, plus abordable et tout aussi accueillante.
Un billet écrit avec les tripes, de saison car c’est novembre, et littéraire grâce aux Tripes & boyaux de Blandine Vié
Dire qu’elle n’a pas froid aux yeux, Blandine Vié, c’est la moindre des choses. Autrice, chroniqueuse gastronomique, elle aurait pu partager la table de Rabelais (elle le fait toutefois par le biais de la littérature) et celle du magistrat Jean-Anthelme Brillat-Savarin. Mais comme elle a gagné un voyage à Gênes en tant que coach d’un jeune cuistot qui préparait un pesto selon les règles, mieux vaut la laisser libre de choisir soit une trattoria, soit une taverne chère à Rabelais, soit la salle à manger du magistrat, sûrement dans ce cas pour cette soirée nécro(i)logique où tous les mets étaient en noir.
Rabelaisienne en diable, Blandine a signé plus de 150 ouvrages du genre qu’elle appelle cul-cul, soit culino-culturels et après avoir touché aux Testicules (je m’excuse de peu) comme à la Tête de veau, ce Prix Gastronomades d’Angoulême en 1998, prix APCIG (association des informateurs gastronomiques), en 2006, elle fait un trip intérieur en racontant dès les tripes «L’insolite et insolente cuisine culturelle du ventre» comme elle a sous-titré, chez le Cherche Midi, son gourmand Tripes & boyaux.
Dans notre morne actualité où tous les restaurants de France et de Navarre proposent de la viande hachée, tout en se hissant du cou pour l’étiqueter «burger gastronomique», voilà une des plusieurs citations du livre, extraite de «l’Almanach de Cocagne pour l’An 1922 dédié aux vrais gourmands et aux francs-buveurs», vieille de plus d’un siècle et cependant trop contemporaine.
La voilà, la citation : «Aphorisme de table, les estomacs avachis en pincent pour le hachis dont la matière est un problème. Moralité : mâche tes aliments toi-même».
Comme un paquet de tripes, Blandine a composé un livre en mille-feuille (n’exagérons rien : ce ne sont que 351 pages mais très bien remplies et malgré tout si digestes) où se superposent une préface exhumée de la tombe de feu Maistre François Rabelais, un dico bien venu, une explication de texte, un répertoire, des anecdotes, des citations, un pédagogique Les boyaux dans la langue française, des recettes (deux d’elles terre-mer et une fait la rencontre estomac de cochon/citron vert) en plus d’une généreuse bibliographie, le tout agrémenté par de l’humour pince sans rire.
En bonne gourmande, et puisque la gratitude du ventre existe, Vié nous explique que l’expression tripes et boyaux désigne «l’ensemble des viscères au sens propre (si l’on peut dire), mais évoquant aussi tout ce qui nous remous intérieurement et nous affecte d’une manière ou d’une autre, au sens figuré».
Rien n’est oublié par ailleurs, même pas la possibilité du beurk! car de cervelle en cervelas, le voyage de l’intime permet tout et que «c’est la farce qui sublime le boyau», sans oublier les titillements gastronomiques des sauces gribiche ou tartare, moutarde, câpres, vinaigre étant des fidèles compagnons de voyage pour cette cuisine parfois truculente et à laquelle s’applique le mot de Pline (XIV-126) choisie par Misette Godard vers la fin du siècle pour démarrer son Le goût de l’aigre : «Le vinaigre, malgré son peu de valeur, a au moins le mérite d’importants usages sans lesquels la vie perdrait de sa douceur».
Laissons ici Vié mais avec la consigne que lui a soufflé feu Maistre dans la préface de son livre : «Beuvez, car si l’appétit vient en mangeant, la soif, elle, s’en va en beuvant», en lui ajoutant de notre part ceci : et la bêtise s’en va en lisant.
Mais comme novembre est un mois tripier, continuons avec cette «cuisine de l’intime» comme la définit Vié, avec l’annonce d’une huitième édition du Championnat d’Europe des Produits Tripiers, qui se tiendra le 25 novembre 2025 à la Rungis Académie.
«Cet événement unique -le vante son parrain, le si bistrotier Alain Fontaine- rassemblera des chefs venus de toute l’Europe autour d’un défi culinaire : sublimer les abats et mettre en lumière la richesse de la cuisine tripière».
Présidé par le chef Nicolas Sale, qui d’un R à l’autre est passé du Ritz au Rungis, «le championnat constitue le rendez-vous incontournable pour valoriser le savoir-faire des professionnels et faire rayonner les produits tripiers auprès du grand public».
Enfin, si je suppose que vous saviez bien déjà que les abats ont en novembre leur mois dédié, je voudrais vous présenter, au cas où, un confortable et virtuel chercheur des meilleurs produits à commander dans un click et à recevoir à la maison. Je parle de Pourdebon, qui en plus de vous tenir en alerte avec des messages périodiques, fait aussi dans la pédagogie. Voyez pour ce message consacré, comme sis à novembre, aux produits tripiers.
«Les produits tripiers -dicte la newsletter- sont issus du veau, de l’agneau, du bœuf ou du porc. Il s’agit des viscères des animaux, c’est-à-dire les organes logés dans leurs cavités thoracique (cœur), abdominale (foie, rognons) ou crânienne (cervelle). Sont aussi considérés comme des abats les glandes (les fameux ris de veau !), les pieds, la tête ou la queue des animaux.
On les appelle aussi parfois “cinquième viande” car ils représentent la partie comestible du “cinquième quartier” (séparée à l’abattoir de la carcasse, elle-même divisée en 4 quartiers, deux avants et deux arrières)».
Voilà qui sert à vous préparer à la lecture du mémoire exhaustive de Blandine Vié, tout en commandant en toute confiance, des bons produits, et en les transformant avec les gestes de cette cuisine qui tient au ventre comme il va de soi. Et dont les lettres de noblesse, ratifiées par la science maintenant -en laissant écrire à Vié en toute pertinence que «l’intestin serait notre deuxième cerveau»-, se manifestent à table, le ris et le foie de veau se plaçant au plus cher de la boucherie tandis que les pieds et paquet sentent bon la Marseille popu et les tabliers de sapeur la bourgeoisie lyonnaise, les andouilles la Bretagne et l’andouillette la Loire, dans un goûteux tour de France… à entreprendre comme il se doit par l’intérieur.
Pour des amateurs enfin un tout petit guide parisien sans aucune prétention d’exhaustivité, avec pour la tête de veau Le Mesturet, Benoit ou les Caves Petrissans ; pour la cervelle Bistrot Paul Bert ; pour le ris de veau en premier sans doute celui du Baratin de Raquel Carena, mais aussi le Relais Louis XIII de l’excellent Manuel Martinez MOF 1986, Le Cornichon de Sébastien Dagoneau ou enfin la Maison Cluny de Franck Bellanger et Matthieu Nadjar. Pour ne pas faire que local, et en toute justice, invitons un chef étranger, Anglais qui plus est, Ollie Clarke, amoureux des amourettes au point de vous réciter le répertoire (cervelle de veau pochée au beurre citronné, pastrami de langue de veau, pomme de cœur de ris de veau…) dans son Quedubon, le bien nommé.
Mais comment boucler sans faire allusion au Pharamond, le conservatoire parisien depuis 1832 des tripes à la mode de Caen.Blandine Vié. Tripes & boyaux. Le Cherche Midi : 24,90€
https://www.rungis-academie.fr
https://www.pourdebon.com
Misette Godard. Le goût de l’aigre, Quai Voltaire, 1991Le Petit Duchemin du Ventre
Le Mesturet. 77 rue Richelieu, 75002 Paris. Tél.: 01 42 97 40 68
Au Baratin. 3 rue Jouye-Rouve, 75020 Paris. Tél.: 01 43 49 39 70
Quedubon. 22 rue du Plateau, 75019 Paris. restaurantquedubon.fr
Caves Pétrissans. 30 bis avenue Niel, 75018 Paris.
Tél.: 01 42 27 52 03
Benoit. 20 rue Saint-Martin, 75004 Paris. Tél.: 01 42 72 25 76
Maison Cluny. 3 rue de Cluny, 75005 Paris. Tél.: 01 56 81 82 53
Relais Louis XIII. 8 rue des Grands Augustins, 75006 Paris.
Tél.: 01 43 26 75 96
Bistrot Paul Bert. 18 rue Paul Bert, 75011 Paris.
Tél.: 01 43 72 24 01
Le Cornichon. 34 rue Gassendi, 75014 Paris. Tél.: 01 43 20 40 19
Pharamond. 24 rue de la Grande Truanderie, 75001 Paris.
Tél.: 01 40 28 45 18
Oscar Caballero est journaliste culturel, chroniqueur gastronomique et auteur. Notamment de « Quand la cuisine fait date”.
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Les produits de saison
Les produits que l’on peut légitimement trouver sur nos tables en cette saison.
Le coing
Merveilleux fruit d’automne qui dégage une odeur très agréable dans la cuisine. La pâte de coing est bien sûr une excellente amie des fromages un peu forts et la gelée est une confiture d’une rare finesse.
Après avoir été poché, il peut aisément prendre la place ou accompagner des légumes.
Altesse
Cépage blanc de Savoie, objet d’une appellation d’origine simple. Moelleux et doux à la fois, comme le Montrachet, ce vin devient sec en vieillissant, comme le Château-Grillet.
(Source : dictionnaire de l’académie des gastronomes)








