Le Dicton du jour :
« À la Saint-luc (18 octobre), ne sème plus ou sème dru. »
Le Mouton Blanc
Restaurant |75016 PARIS
Décidément la famille Dumant et ici leur associé Tristan Lefebvre savent y faire. Ils ont fait revivre cette adresse en un temps record. Nous avions déjà salué leur savoir-faire avec l’auberge bressane (ils ont plusieurs adresses à Paris mais chacune est unique) et nous retrouvons ici aussi la recette du succès : un décor rénové sans être dénaturé, une cuisine franche et un service très accueillant.
Difficile de résister à la terrine maison, elle est parfaite. Même chose pour la viande qui est manifestement choisie avec un soin particulier. Frites maison…
Bref on s’encanaille sans aucun complexe même si par acquit de conscience nous avons demandé une salade et séché - avec regret - le dessert…
Amusant de voir que non seulement cette auberge fait déjà le plein mais les clients semblent y avoir pris leurs habitudes.
Les prix, très raisonnables, ont probablement aussi joué un rôle dans ce succès rapide.
Oscar et Thibault
Le Mouton Blanc
40 rue d’Auteuil
75016 Paris
Une Champagne exotique ; des champagnes atypiques et un resto grand cave
Champagne destin exotique ! Vous prenez le train (qui m’aime me suive) à la Gare de l’Est par exemple vers Vendeuvre-sur-Barse. Loin de l’Avenue de Champagne, plus campagnard que champagnard. Mon destin, Les Riceys, tellement exotique que cette commune, avec 844 ha de vignes, la plus grande de Champagne du point de vue vinicole, est en réalité trois (autant de divisions administratives de Riceys) et qui plus est, la seule avec trois AOC.
C’est à dire, en plus de l’AOC Champagne, les AOC Coteaux-de-Champagne et AOC Rosé des Riceys. Séparé de 120 km d’Épernay, Les Riceys est à moitié chemin entre la ville champenoise et Dijon en Bourgogne.
C’est dû à cela peut-être le mélange autant dans l’oralité que la topographie des patois champagnais et bourguignon. On est là dans la Champagne dite sauvage, avec des élévations de plus de 300 m et chutes abruptes. Qui plus est, en 830 leurs vignes étaient des crus bourguignons. Devenus champenois au XIIIème siècle, le Traité de Troyes en 1420 les voit retourner sous le Duc de Bourgogne. Et c’est la fin de la Guerre des Cent Ans (1453) que ces vignes se rattachent au Royaume de France.
Mais loi n’étant pas coutume, pendant longtemps les maisons des Riceys ont eu une porte vers la Bourgogne, l’autre vers la Champagne car d’après le marché on sortait les vins dans l’une ou l’autre direction.
Une hésitation architecturale qui n’est même pas tranchée par la création des départements en 1790. Elle est mise à peine en stand-by, vers la fin du XIXème siècle à cause du phylloxéra qui est propice à l’exode rural et il faut attendre 1927 quand l’Aube et les Riceys deviennent définitivement champenois pour que cette ambigüité cesse.
Dans ce contexte, en 1934 Lucien Noble plante ses premiers ceps. Sa fille, mariée avec René Bonnet, puis ses petits-fils, Serge et Alain vont faire grandir le vignoble et le baptiser en 1970 Champagne Alexandre Bonnet*.
En élaborant le rare Rosé des Riceys AOC, la maison fournira la bouteille qui a surpris dans une dégustation chez Apostrophes, la légendaire émission littéraire de Bernard Pivot. Ayant gouté ce vin (on dirait du bourgogne !), puis deux rares champagnes Alexandre Bonnet, j’ai reçu une invitation à déguster toute la gamme dans la commune aux trois clochers et riche de 26 monuments classés, ce qui augmentait ma curiosité.
Bien satisfait côté vin car le propriétaire depuis 2019, Arnaud Fabre, comme Laurent Pertois, chef de culture venu de chez Bollinger et Irvin Charpentier, Chef de Caves, formé à la géologie, la viticulture et l’œnologie, ont assumé les particularités d’un terroir qui dorlote en premier lieu les pinot noirs, 80% de l’encépagement de la commune.
Tandis qu’on parcourt les 47 ha de vignoble, un peu plus de 5% des vignes des Riceys, seuls raisins que la maison travaille, avec cinq bouteilles vinifiées en contrées (lieu-dits, les climats de Bourgogne), avec le H.V.E. de Haute Valeur Environnemental depuis 2015 (premiers à l’obtenir aux Riceys) et sans admettre aucun herbicide, Fabre justifie les deux heures de voiture car « pour comprendre nos vins il faut monter à travers bois pour embrasser du regard les coteaux surgis du Jurassique et patiemment façonnés pour les hommes pour en faire jaillir le raisin ».
Et, agropoétique : « établi sur un calcaire du Kimméridgien, entrecoupé d’étroites petites vallées verdoyantes, l’accordéon de ces coteaux aux pentes abruptes constitue une véritable mosaïque d’expositions multiples ».
Bien que nous eussions été reçus par un temps venu sûrement du nord, froid et pluvieux, peut-être pour nous occulter « un ensoleillement envié par toute la Champagne », la promenade a été une master-class du dépaysement en nous apprenant même que « le sol argilo-calcaire est de même nature que celui des grands crus de Chablis ».
Au bord de la route, un panneau indique le premier sentier de la biodiversité en Champagne, privilège dispensé aux Riceys par l’UNESCO.
Cela se traduit d’après le chef de culture par « des orchidées sauvages qui, au printemps éclosent mystérieusement à l’orée des vignes, en plus de la présence de rouges gorges, chardonnerets, fauvettes à tête noire, mésanges ».
Bref, pour un urbaniste comme moi, tout cela a été une overdose de nature bien traitée.
Or, après un premier essai bio voici trois lustres, qui continue, le retour des chevaux suscite cette remarque : « là où les pentes le permettent ». Souvenez-vous, des vignerons bios ont été dénoncés pour faire trop travailler les équins. Donc, toute précaution est de mise.
Si bien que le domaine a réintroduit des cépages anciens, le buret, le blanc vrai comme nommé ici le pinot blanc, l’arbane et le petit meslier, traduits déjà dans un champagne 7 cépages, le protagoniste est bien sûr le pinot noir (vignes de 25 ans d’âge en moyenne) sur six vins différents : champagne blanc de noirs, champagne rosé de macération et champagne rosé d’assemblage, rosé des riceys, coteaux-champenois en rouge et en blanc…
« C’est la magie des Riceys », s’exclame Fabre, familier des vignes car, enfant du directeur technique, son terrain de jeu a été les vignes de Château Laffite.
Comme les vins sont faits pour être bus mais surtout pour accompagner et parfois rehausser les plats, Fabre avait réservé le Alexandre Bonnet rosé Les Contrées (cinq champagnes Alexandre Bonnet sortent de vins vinifiés en contrée) pour le déjeuner.
Bref, ayant goûté toute la gamme champenoise -aux accents bourguignons parfois- mon palais a été satisfait du voyage. Mais comme chaque palais est un monde, je me limite ici à suggérer aux lecteurs une expérience qui ne détonne pas en pleine crise car elle part de 38€ la bouteille. Une petite somme à placer pour une somme du plaisir.
Par exemple, en se faisant cadeau à ce prix du Rosé des Riceys AOC de la maison.Un champagne rosé qui n’est pas mou, chez Moussec**
Pour goûter le rosé sur scène on est allé déjeuner tout près au Moussec, bien entourés dans ce petit resto par l’exposition de belles bouteilles de bourgognes et des champagnes aux murs et la présence, attablés, de gens de Moutard (son si réussi 6 cépages a été la première démonstration que le champagne pouvait aller au-delà du trio pinot noir, meunier, chardonnay) et de Gallimard (un autre grand méconnu de la Côte des Bar, travaillant des mono-cépages, des vins mono-années et des élevages particuliers dans par exemple des amphore ovoïdales de terre cuite), deux belles étiquettes champenoises.
Rendez-vous de vignerons, donc mais pas que ça, Le Moussec de Madame Ingrid Manchin ne sert que des déjeuners et un seul menu avec entrée, choix entre deux plats et dessert.
C’est donc simple mais pas banale. Ce jour, une sorte de tatin de ratatouille en entrée. Puis on a pris de l’agneau (le champagne m’a dit l’apprécier) et avant le dessert plutôt branché (le tout à 29€) on a ajouté l’option fromage (6€ : trois pièces avec bien sûr un Chaource, région oblige).
Tout cela sort des mains de Christophe, dans une autre vie traiteur-restaurateur en Côte d’Or, qui « change au quotidien le menu toujours sur des produits frais » dixit Madame, dont sa passion de bonnes bouteilles s’est traduite dans une carte de vins d’une richesse inattendue, dont les champagnes des alentours sont présentés par villages, complétés par Les pépites de Moussec (Jacques Selosse, Agrapart…). Parmi les vins, bien sûr des Rosé des Riceys et des Coteaux en blanc et rouge à côté d’une époustouflante sélection de bourgognes dans les deux couleurs. Et pour chaque bouteille, le prix salle et à côté celui bien plus petit à emporter.
Enfin, cette maison a une histoire. Elle abritait la société Moussec qui fabriquait une sorte de pâte de fruits de raisin au début du XXe siècle. Gilles François, Riceton passionné d’histoire, évoque M. Rivollier, vigneron des Riceys, qui aurait contourné la Prohibition dans les États Unis en « concentrant et réduisant les raisins et moûts invendus à une forme voisine de celle de la pâte de fruits, pouvant ainsi expédier le jus solidifié ».
Là-bas, « la pâte était diluée ou réhydratée et redevenait du moût qui, ensemencé avec des levures actives provenant du laboratoire parisien de M. Rivollier, formait un mousseux », toujours selon Gilles François.* Domaine Alexandre Bonnet. 138, rue Général de Gaulle, 10340 Les Riceys. Tél. : 03 25 29 30 93 / info@alexandrebonnet.com
** Le Moussec. 1, rue Sainte Claude, 10340 Les Riceys.
Tél. : 06 58 28 62 70 -
Déjeuners du lundi au vendredi de 12h à 13h30
et jeudi et vendredi, de 19h à 20h30 comme cave à vins et charcuterie/fromage.
Oscar Caballero est journaliste culturel, chroniqueur gastronomique et auteur. Notamment de « Quand la cuisine fait date”.
© Freepik
Les produits de saison
Les produits que l’on peut légitimement trouver sur nos tables en cette saison.
Les lentilles
Nous les retrouvons en garniture du petit salé bien sûr mais aussi en salade. Un régal. Il y a plusieurs sortes de lentilles et notamment : la lentille verte du Puy (AOC), la lentille verte du Berry (!), la lentille rose de Champagne-Ardenne, la lentille blonde venue du bassin méditerranéen, etc…
Le mouton
Le mouton donne à l’homme, avec le vêtement, la nourriture ; une chair revigorante, légère, saine et savoureuse… en vérité, l’humble brouteur devient roi sur nos tables. Tous les moutons sont bons lorsqu’ils ont été bien nourris, bien soignés, bien reposés ; mais si l’on en veut d’excellents, on choisira plutôt les Southdowns anglais et les fameux pré-salés nourris dans les pâtures côtières.