Le Dicton du jour :
« Saint-Vincent-de-Paul (19 juillet) mouillée, met du vin au cellier. »
Non Solo Cucina
Restaurant|75016 PARIS
Cela fait très longtemps que j’ai remarqué qu’il y avait une grande attente de bonnes adresses italiennes. Et ce n’est pas facile. Donc évidemment quand un avocat - qui comme tous les bons avocats passe sa vie au restaurant - avec du sang italien dans les veines me donne une adresse italienne… j’y fonce ! Et c’est peu dire que je n’ai pas été déçu.
Le propriétaire ne fait pas mystère de ses racines siciliennes mais il sait surtout nous entraîner dans sa passion pour sa région natale. C’est un festival. On se laisse bien volontiers conseiller et prendre par la main. Difficile de choisir, la carte est déjà riche de spécialités mais elle est enrichie de belles propositions du jour. On se dit aussitôt qu’il faudra prendre le temps, et qui sait l’habitude, d’y revenir.
Service très attentif et rapide. Prix très sages.
Bref, les avocats sont parfois de bons conseils.
Oscar et Thibault
Non Solo Cucina
135 rue du Ranelagh
75016 Paris
Et voilà Erri de Luca en voulant nous faire croire qu’il n’est pas un vrai gourmet
Connais-toi toi-même. Le fake de Socrate sonne bien mais, comme le jardin de Voltaire, ce n’est qu’un mot. Personne ne se connait et peut être c’est mieux comme ça et donc le grand Erri de Luca peut proclamer qu’il n’est pas un gourmet, dans son cependant Recit de saveurs familières (Gallimard) quand il l’est jusqu’au bout d’ongles. Justement, quand de ses ongles il écorce une amande pour la savourer longuement.
Attention, si je soutiens contre tous les historiens que Napoléon Ier (et le général Bonaparte) aimait manger, je nuance: des plats italiens, c’est-à-dire corses, et pas du tout la grande cuisine française de son époque.
Plus sectaire encore, de Luca (Naples, 1950) n’ouvre sa bouche qu’à un produit « étranger », le fromage parmigiano !
Et pas grande ouverte, sa bouche, car plusieurs fois dans le livre il fait ses adieux au lait et autres laitages, pas indiqués pour l’autre de ses passions (avec l’écriture et la politique dans l’ordre que vous voudrez) qu’est l’alpinisme.
C’est même grâce à cette pratique qu’il consent - du bout des lèvres - à manger du beurre (« seulement en altitude ») ou bien, une fois épuisées les réserves de pâtes et puisque les sherpas de l’Himalaya aiment tellement son riz, à goûter la céréale qu’aiment d’autres Italiens qui n’ont pas eu la distinction d’être nés à Naples.
« Les fameuses pâtes locales à la Norma n’étaient pas faites pour mon palais. Il ne supportait pas sa ricotta salée. Je me suis peu à peu lassé des produits laitiers ».
Et seul un gourmet peut nous raconter ceci : ·le jour où j’ai mordu ma dernière mozzarella je l’ai su. J’étais à table avec une femme très jeune et je lui demandais de m’épouser. Son visage pensif et soucieux répondait qu’après l’année que nous avions passée ensemble il n’y avait rien à ajouter.
« Le blanc nuptial de la mozzarella m’a semblé insolent, je l’ai recouvert de poivre. J’ai senti un goût de lait tourné qui ne venait pas du laitage. Mes papilles s’étaient gâtées. Le poivre m’a fait éternuer en rafales, elle s’est mise à rire. Éternuer ou avoir le hoquet, comme trébucher ou s’étaler, provoquent l’hilarité. Ce qui a permis de changer de sujet. Dans les moments d’embarras ou de désarroi, le poivre donne de bons résultats ».
Mais attention, de Luca est clair : manger ce n’est pas quelque chose à envisager que pour se nourrir et à peine. Il suffirait de deux œufs au plat ou brouillés pour la vie, brouillé qu’il est avec la cuisine au point de n’avoir jamais réussi à concocter une sauce pour des spaghetti qu’on comprenne qu’ils font leur quotidien malgré tout, tant bien qu’une fois les pâtes cuites il les mélange à des légumes crues, comme quoi « je mange des spaghetti avec une salade ».
La politique ce n’est pas seulement les années de plomb (pour lui, le plomb de l’imprimerie, positif, celui des carabinieris, négatif) chez Lotta continua, quand il devient ouvrier et ne mange qu’à la cantine ou dans les tavernes, là où la vraie nourriture ce sont les autres, la camaraderie, l’objectif commun.
Exemple, pendant les trente-sept nuits et jours et sa veille nocturne en gréviste à l’usine : « À minuit on nous apportait aussi fraternellement la farinata, la pizza blanche aux pois chiches, chaude et parfumée. Son goût est encore sur mon palais. Les solidarités rendent les plats plus savoureux. La division en parts égales en exalte le goût ».
Et après sa poétique description des artichauts alla giudia, « à la juive », typiques de Rome (« frit et frisé, le pied majestueux en l’air, il se dresse fièrement au milieu de l’assiette ») et de raconter que le meilleur avait été celui
« préparé chez moi par un de mes amis qui avait apporté tout le nécessaire, poêle comprise », d’ajouter : « nous nous sommes fâchés pendant l’intervention de l’Otan à Belgrade. Il la défendait ».
« S’il m’est arrivé de couper les ponts, ce fut toujours pour des raisons civiques, non pour des différends sentimentaux, sportifs ou par des divergences esthétiques. L’artichaut à la giudia me fait penser à lui, avec un sourire pour le plat préparé et aucun regret pour cette fin d’histoire ».
Voulez-vous une preuve majeure de sa condition de gourmet ?
Aussi la mission toute personnelle de partager le danger des bombes avec les belgradois pour payer sa ration de coulpe de citoyen d’un pays membre de l’Otan.
« Je me suis installé à Belgrade d’avril à mai 1999. Né à Naples, la ville la plus bombardée d’Italie, je ne pouvais déserter le dernier crime de guerre. Je ne supportais pas d’être du côté des avions qui partaient chargés depuis la base d’Aviano et revenaient vides une heure plus tard ».
Mais attention, il ne se la raconte point. Une fois arrivé, « à la première sirène qui annonce un raid aérien, je commençais mon acte de résidence. Ce n’était pas de la résistance ni la récente variante de la « résilience ». Ce n’était qu’une résidence. Belgrade était une tranche à découvert ».
Résidence qu’implique une épiphanie gastronomique quand il rend visite à un correspondant italien. « Il était génois, on lui avait apporté du pesto. Il a mis de l’eau à bouillir sur un réchaud à gaz avec des pommes de terre et des haricots verts. C’était sa recette. Une fois les pâtes cuites, nous avons versé le pesto dans la même casserole et nous avons mélangé. Pour finir, il a arrosé de poivre l’assiette qui sentait si bon. C’est à Belgrade que j’ai mangé les meilleures pâtes au pesto ».
Cependant, « Je ne l’ai pas revu ensuite. Je n’étais pas en quête de compagnie. Je voulais être seul dans ce lieu et dans les nuits les plus bruyantes de ma vie ».
Après un récit dans la ville assiégée il rentre chez lui, maison de montagne partagée avec les dernières années de sa mère, qui l’attendait avec la parmigiana d’aubergines (son plat fétiche mais qu’il va mettre symboliquement en terre à côté des cendres de sa mère, dans son jardin, pour ne plus le manger) pour lui ratifier que malgré deux mois sous les bombes il n’était pas allé en guerre.
« Tes bombardements n’ont pas été les miens. Même si tu y es allé, la guerre tu ne la connais pas ».
« Je lui ai répondu qu’elle avait raison, Ce n’était pas sa guerre, même vaguement. Aussi parce qu’à Belgrade personne ne parlait napolitain ».
Enfin, improbable madeleine pour celui qui écrit cela : « La table de mon enfance était sévère. Il fallait finir son assiette et avaler auparavant une cuillère d’huile de foie de morue qui coupait l’appétit […] Je ne m’asseyais pas de bon gré et je devais attendre la permission pour me lever.
« Entrée, plat garni, fruits : le rituel du repas complet était renforcé par le privilège d’en bénéficier, tandis qu’il manquait hors de notre maison. On voyait bien dans la rue qu’il manquait […] Le mardi c’était foie aux oignons, rognon pour mon père, le jeudi cervelle, frite ou bouillie. Je n’en ai plus revu ni recherché.
« Il y avait souvent des anchois, frits ou au four, mangés avec la tête entière, car il n’était pas permis de faire les difficiles.
« Papa et maman fumaient à table et je suis né aussi avec ce désagrément. À cette époque on fumait en voiture les vitres fermées. La fumée aggravait mon manque d’appétit pour mon assiette ».
Et cela, que tout le livre dément : « Je ne suis pas un gourmet, de mes cinq sens le goût est le moins éveillé ».
Pour l’étrier, un paragraphe plein de délicatesse : « Mon père, ma mère : je ne dois pas les réduire tous les deux à ce qu’ils sont pour moi. En écrivant mon père, ma mère, je les renferme dans une seule dimension de leur vie ».
Qui ne signerait pas cela ?
J’allais oublier : entre chapitres, un nutritionniste, Valerio Galasso, enlève la poésie des textes antécédents avec des commentaires pour moi rébarbatifs en conseillant par exemple des compléments alimentaires dont je n’imagine pas Erri de Luca les prenant. Rébarbatives aussi les Recettes d’Emma et Lillina qui ferment le livre, bien que rassemblées par Alessandra Ferri (la grandissime danseuse italienne - Milan, 1963 - j’espère), car d’abord ce type de recettes traditionnelles on les récupère d’un click mais surtout comme ça m’énerve la peur des éditeurs à laisser vivre un beau texte, s’il parle d’alimentations, sans le plomber avec des procédures de cuisine.
Il ne faut pas inviter de Luca de passage à Paris car il n’y a qu’une mère. Mais le lecteur peut commander La Parmigiana d’aubergine (17€) dans le seul restaurant où l’on peut dire avec fondement qu’on est au four et au moulin, car Mulino Mulé*, coproduction de Cédric Casanova et Marco Mulé, mouline sur place la farine avec laquelle on propose Les pâtes fraîches du jour (14€).
En partant, on peut faire provision, chez le voisin La Tête dans les olives* (ou par ailleurs il y a une table pour 6 sur réservation) de câpres au sel et d’huiles d’olive de Sicile.* Mulino Mulé. 25 rue Sainte Marthe, 75010 Paris.
Tél.: 09 54 75 92 07* La Tête Dans les Olives. 2 rue Saint Marthe, 75010 Paris.
Tél.: 09 51 31 33 34
Oscar Caballero est journaliste culturel, chroniqueur gastronomique et auteur. Notamment de « Quand la cuisine fait date”.
© Freepik
Les produits de saison
Les produits que l’on peut légitimement trouver sur nos tables en cette saison.
La sauge
Peu présente dans la cuisine française, elle est très utilisée dans la cuisine italienne. On la retrouve fréquemment cuisinée avec les pâtes. Elle apporte une saveur subtile et on lui prête de nombreuses vertus. Elle est notamment bénéfique pour la digestion.
Les pâtes alimentaires
Les pâtes alimentaires longtemps dites « pâtes d’Italie » et aujourd’hui nommées plus simplement les « pâtes », ce que les transalpins appellent « la pasta ». Leur consommation s’est grandement développée en France et l’on ne compte plus à présent les maisons où l’on sait cuire les pâtes à point c’est à dire juste après le croquant : ce que les italiens nomment al dente.
(Source : dictionnaire de l’académie des gastronomes)