Le Dicton du jour :
« Saint-Claude (6 juin) emplit seaux et pipes. »
Il Carpaccio
Restaurant italien|75008 PARIS
L’impression est que cet endroit existe depuis toujours dans le paysage gastronomique parisien. La réputation a toujours été d’être l’un des meilleurs restaurants italiens de la capitale. Et ce n’est pas usurpé.
Sauf qu’aujourd’hui le Royal Monceau en a fait une vitrine de prestige de la cuisine transalpine. Et il faut reconnaître que l’expérience est assez exceptionnelle. Sans nous concerter, nous avons pris le même menu tous les trois : les calamars grillés «Rimini, Rimini» et le thon rouge en sauce dolce forte. L’ensemble est remarquable à la fois par le goût et la légèreté. (Mention particulière au pain et à la foccacia !)
Le service est particulièrement attentionné dans un cadre très lumineux et très agréable.
Mais attention, il s’agit bien d’une grande table, pas d’une trattoria…
Oscar et Thibault
Il Carpaccio
37 avenue Hoche
75008 Paris
Le Pape, la pdt, ou el Papa et la papa : tous les deux valent un Pérou
Vendredi dernier on a fêté, malgré le pont, le jour mondial de la pomme de terre -proclamé en 2024 par l’ONU-, trois semaines après l’élection d’un nouveau Pape.
Quel rapport ?
Papa c’est le nom quechua -adopté après en castillan, dans le sud et le nord de l’Amérique et l’Andalousie et les Canaries en Europe- de la pomme de terre, troisième aliment le plus consommé au monde et providence dès le XVIème siècle contre les famines européennes.
De là, que cette papa avec minuscule joue pour les hispano-parlants avec la solennité d’un Papa (le Pape) avec plus que majuscule.
Ce qui nous donne, pour continuer avec la langue, un double sujet pour ces billets.
D’abord, le fait que Léon XIV ayant la double nationalité (celle des Etats-Unis et celle du Pérou) souligne plus encore la généralisation des médias français en parlant du «premier Pape américain», quand son prédécesseur et maître, François, était lui Argentin, c’est-à-dire, américain.
Mais voilà que les deux passeports (il doit exister un passeport de la Cité du Vatican) de l’évêque élu obligent à la nuance à ceux qui, mauvais disciples de Monroe, pas Marilyn mais le président James Monroe (1817-1825), seraient «plus papistes que le Pape» en réduisant l’Amérique à un seul morceau, bien que vaste, du nord du continent.
Car bien au contraire, le tel Monroe lança ce «l’Amérique aux Américains» pendant son discours devant le Congrès des Etats-Unis, le 2 décembre 1823, à l’intention des colonisateurs européens et en défense des nouvelles nations des Amériques eu égard des monarchies de l’Espagne, la France, le Royaume Uni, le Portugal…
Deux siècles avant les vapeurs colonisateurs de Donald Trump, qu’il ne pouvait pas prévoir, Monroe proclamait que «les continents américains, étant donné sa condition de libres et indépendants, qu’ils ont gagné et y conservent, ne peuvent être considérés dorénavant comme des sujets d’une future colonisation».
La vie -et la politique- n’étant pas à un paradoxe près, ce sera à l’empire du nord d’essayer de coloniser le restant de l’Amérique jusqu’à prétendre maintenant s’annexer le Canada. «Tellement loin de Dieu -se plaignaient les Mexicains de sa situation géopolitique- et tellement près des États-Unis».
Mais revenons à notre corvée de patates. Le Pérou compte aujourd’hui plus de 90 variétés de papas (pdt) comestibles et un système ancestral de conservation d’où ils obtiennent le chuño, aussi appelé moraya ou tunta, une spécialité des Andes centrales produite par la déshydratation de pommes de terre par un cycle d'expositions au soleil et au gel et de foulages. À chaque cycle les tubercules perdent de l'eau. La tunta en revanche est fabriquée à l'abri du soleil. La procédure sert aussi à rendre comestibles les papas amargas, pdt amères, les seules cultivables en haute altitude puisque résistent au gel et pas consommables à l’était frais.
Et voilà en cadeau des fragments de quelques entrées patate de mon Quand la cuisine fait date (édité par Thibault Leclerc en 2007)8000 - 2000 av. J.-C. :
Naissance de l’agriculture sud-américaine et des premières patates.
«C’est la période où, de façon continue, est née l’agriculture sud-américaine, avec des échanges entre la montagne et la côte. Parmi les plantes à cultiver, les pommes de terre sauvages étaient déjà présentes… » Patrick Rousselle, Yvon Robert, Jean-Claude Crosnier, La pomme de terre : production, amélioration, ennemis et maladies, utilisations.7000 ans av. J.-C. :
La patate vaut un Pérou
La mère de toutes les pommes de terre ? Dans le Sud du Pérou pousse le Solanum bukasovii. Selon David Spooner, du Département américain de l’agriculture, toutes les patates cultivées par l’homme viennent de là…Vers 1200-1533 environ :
L’Empire Inca, celui de l’agriculture -jusqu’à 5 000 m d’altitude- aux 700 types de pommes de terre, de maïs, d’avocats et aux lamas domestiqués
« … Au fil des siècles les indigènes obtinrent jusqu'à 700 variétés de pommes de terre, dont certaines poussaient à plus de 5 000 mètres d'altitude. Qui sème le vent récolte… le chuño : en détournant le climat impossible de la puna, les indigènes inventèrent cette conserve, le chuño : des pommes de terre séchées et déshydratées par le gel et le soleil, qui se conservaient pendant des années…1530 :
Aux riches, l’or d’Atahualpa ; aux pauvres d’Europe, les patates
Solunum Tuberosum et sa vaste famille seront vus pour la première fois, par des yeux européens, dans les hauts et froids plateaux de la Colombie et du Pérou.[…] Leur arrivée en Europe est, cependant, plus difficile à dater : dans la décennie 1540/1550, elles furent peut-être apportées par Cieza de Léon ou bien en 1565 selon une théorie philo/illogique. En effet, les pommes de terre auraient été envoyées à Philippe II d’Espagne, qui, à son tour les aurait fait parvenir au Pape Alexandre VII. De mains en mains, les pommes de terre tombent dans celles du botaniste Jules Charles de l’Ecluse, Clusius, auteur de la première description européenne…1536 :
Ils cherchaient de l’or, ils trouveront la bagarre… et le remède aux famines européennes
«Une expédition, dirigée par Jiménez de Quesada, découvrit les hauts plateaux de Colombie habités par des Chibchas. C’est peut-être là qu’on découvrit en 1537 les premières pommes de terre, dans la province actuelle de Vélez (Vallée de la Grita)…» La pomme de terre : production, amélioration, ennemis et maladies, utilisations. Patrick Rousselle, Yvon Robert, Jean Claude Crosnier.1540, environ :
Les frites mènent à la sainteté : Thérèse d’Avila en mangeait chaque jour
Thérèse d’Avila (1515-1582) aurait été la première Espagnole, selon certains documents, à manger chaque jour des pommes de terre. Paul Ilegem, professeur d’histoire d’art contemporain à l’Académie Royale d’Anvers s’est fait une spécialité des friktot de son histoire, ces baraques à frites belges, et il a même construit un musée, dans une petite pièce située au-dessus de la friterie Max, l’une des plus anciennes de la ville. D’après lui (2004) «puisque ce sont des moines espagnols qui ont cultivé la pomme de terre pour la première fois et que l’Espagne est un pays qui possède une vieille et riche tradition de friture… Pourquoi donc Thérèse n’aurait-elle pas fait cuire ses pommes de terre dans de la friture ? ».(voir 1577)1588 :
Une fois l’écluse ouverte, on peut écluser des pommes de terre même en Autriche
La politique de l’Autriche ? Le 26 janvier, le savant français, résidant à Vienne (Autriche), Charles de l’Ecluse, appelé Clusius, reçoit des tubercules (voir 1530). Ceux-ci lui ont été envoyés par Philippe de Sivry, gouverneur de Mons, qui les a lui-même reçus du Pape, qui les a reçus d’Espagne, en provenance du Pérou…1604 :
La tortilla espagnole est-elle belge?
À Liège apparaît Ouverture de Cuisine, de Lancelot de Casteau, cuisinier de Monseigneur Robert de Berghes, comte de Walhain et évêque de Liège. La nouveauté : trois recettes de patates, entre lesquelles il y a une possible première version de la tortilla de patates…1766 :
Finalement on peut pétrir les gnocchi : découverte italienne des patates
Antonio Zanon, économiste, reconnaît la singularité des pommes de terre, jusque-là prises pour du cyclamen […] «cette racine est une nourriture pour les paysans et pour les pauvres».1786 :
Ah ! Chiche ! Parmentier réussit à rendre gastronomique une racine fade. Patate !
Quid de l’homme qui a prêté son nom à un hachis de bœuf entre deux couches -ou sous une seulement- de purée gratinée : le hachis Parmentier ? «Contrairement à la légende, Antoine-Augustin Parmentier n’a pas «inventé» la pomme de terre, connue et cultivée en France depuis l’agronome Olivier de Serres (1539-1619) mais que les Français considéraient comme un aliment pour le bétail ou pour les indigents.[…] En 1778, Parmentier publia son examen chimique de la pomme de terre.[…] Deux siècles plus tard, presque jour pour jour, le chef Joël Robuchon rééditera l’exploit de Parmentier, en plus fort : il vendra sa purée à des milliardaires.1792-1793 :
Félix de Lahai crée un potager africain et africanise les patates
Félix de Lahai emporte, avec la mission d’Entrecastaux, 120 espèces de légumes et de fruitiers afin d’apprendre leur culture et leur usage aux Indigènes. Il réalise aussi un potager dans le Nord de la Tasmanie en y introduisant, entre autres, les pommes de terre.
Oscar Caballero est journaliste culturel, chroniqueur gastronomique et auteur. Notamment de « Quand la cuisine fait date”.
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Les produits de saison
Les produits que l’on peut légitimement trouver sur nos tables en cette saison.
Le melon
Et voilà que commence la saison avec son lot de bonheur ou de désillusion. Le melon peut être vraiment un produit merveilleux s’il a bien été récolté mur c’est à dire bien lourd et dégageant un parfum sucré prononcé. Dégusté seul, au porto, avec du jambon, en salade avec de la mozzarella, en gaspacho ou autre ce peut être un grand bonheur ou une grande déconvenue (autant manger du concombre !). Alors prenez le temps et ayez le réflexe de bien le choisir.
Il y a deux sortes de melons 1/ les melons communs ou « brodés »dont le plus célèbre est le cavaillon. 2/ les cantaloups à chair orange foncé ou claire, mais toujours très sucrée, dont font partie les petits charentais et le portugais noir.
(Source : dictionnaire de l’académie des gastronomes)