Le Dicton du jour :
« À saint Jules (12 avril), les sansonnets tiennent ménage dans les clochers. »
La Tour Montlhéry - chez Denise
Bistrot|75001 PARIS
Depuis la fermeture du mythique restaurant « Chez la Vieille » qui a laissé de nombreux amateurs inconsolables, c’est probablement le dernier vestige culinaire de la grande époque des halles de Paris. L’endroit est resté dans son jus et nous devons célébrer la gloire des repreneurs qui ont su insuffler à l’équipe en place l’esprit typique du vrai bistrot parisien tel que l’on en rêve. L’accueil est très chaleureux et vous met vite à l’aise.
La carte est un festival unique à Paris. Vous connaissez une autre adresse qui propose à la fois des tripes, de la cervelle ou bien un haricot de mouton (qui a fait le bonheur de mon invité) ? Il y a quelques plats plus sages (une raie aux câpres ?) mais on ne vient pas chez Denise pour faire un régime.
Jolie sélection de vins et… vins à la ficelle.
Bref, ce n’est pas une institution mais un véritable doudou dans le paysage gastronomique parisien.
Oscar et Thibault
La Tour Montlhéry - chez Denise
5 rue des Prouvaires
75001 Paris
La Mafia pouvait dire ci-trône le citron. Et sur Falcone et La Carbonara ?
Parmi les nombreuses guerres que livre la France, le narconflicte, c’est le dernier qui me ronge car précisément quand le maire de Montpellier dénonce la mainmise de la drogue et son business sur la France et que deux ministres proposent une action combinée, je sors, un peu hébété, des six cents pages de Giovanni Falcone (Gallimard), la somme de Roberto Saviano, avec plus de soixante pages qui détaillent, chapitre après chapitre, comment il a pu extirper la substantifique moëlle des tonnes d’information et des raides pages de dossiers juridiques, les adouber avec des discrètes inventions là où l’intimité échappait aux classeurs et arriver au résultat époustouflant d’un roman où cependant «chaque personnage mentionné a véritablement existé, chaque fait s’est véritablement déroulé. Tout cela a eu lieu», d’après l’avis de l’auteur.
Mais ce qui me permet de faire venir la violence et la corruption dénoncées par Saviano, le seul écrivain sur lequel pèse l’épée de Damoclès (de Corleone, pour le cas) d’une fatwa par la Mafia depuis 2006 et la publication de son Gomorra, dans l’empire de la Camorra, c’est la gourmandise de Falcone et de certains de ses copains parmi les autres magistrats, victimes, du pool antimafia.
Eh bien, l’un des restaurants préférés de Falcone et confrères à Roma, La Carbonara, l’attention prêtée aux recettes par certains personnages hauts en couleur du livre et bien sûr par l’auteur qui n’est pas Napolitain pour rien, me permet non seulement de lui dédier une partie de ce Billet, mais aussi d’en faire le lien avec un autre livre, celui-ci plus à même dans la gastronomie.
Il s’agit de En middag in Rome (2020)*, non traduit en français que je sache, du Norvégien Andreas Viestad, écrivain et cuisinier de son état. Le livre part d’une idée aussi simple qu’ambitieuse : une histoire de l’humanité à travers la gastronomie et des quelques produits emblématiques -le pain, le sel, l’huile-, pas mal d’anecdotes et le tout depuis une table de ce même ristorante, La Carbonara, qui plaisait tant à Falcone.
L’établissement qui se réclame comme le berceau du plus connu aujourd’hui des plats de pasta romains, est situé dans le Campo di Fiore, «la seule place romaine sans église mais pas pour cela laissée de la main de Dieu car dans le coin sud-est on rentre dans le Passetto del Biscione, dont les murs et plafonds sont ornés d’images et l’une d’elles, celle de la Madonna del Latte, vierge du bon lait, aurait ouvert les yeux en 1796», miracle que Viestad raconte, pince sans rire.
Les deux titres ne coïncident pas seulement dans l’élection du restaurant mais aussi dans l’insolite attention prêtée à la bibliographie, car Viestad aussi s’arrête à la fin du livre sur chacun de ceux qui lui ont servi dans son travail. Et lui aussi comme Saviano, et avec la même générosité explique le pourquoi de son élection en chaque cas.
C’est à dire qu’on ferme le livre avec en mains une bibliographie sûre intégrée par exemple par The Oxford companion to food, d’Alain Davidson (Oxford, 2014), «sans doute la plus importante des œuvres de consultation sur l’alimentation» ou Empires of food (Berkeley, 2012) où Evan D.G. Fraser et Andrew Eimas s’occupent «des divers empires alimentaires qui ont été à la base de l’activité et expansion humaines».
Viestad cite des livres classiques comme ceux de Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari ou l’Histoire naturelle et morale de la nourriture de Maguelonne Toussaint-Samat (Paris 1987) ou Salt : a world history (New York, 2002), de Mark Kurlansky, l’auteur aussi du plus complet essai sur la morue, un poisson qui d’après lui parle et plus encore le fait en basque…
Pour augmenter le parallélisme entre les deux livres, notons que Viestad dédie un chapitre aux liens entre la Mafia sicilienne et la culture et exportation de citrons et dans la bibliographie (qui sans arriver aux dimensions de celle de Saviano mais en étant aussi prolixe, a guère vingt pages) réfère à Mafia : inside the dark heart, de A.G.D Maran (Londres, 2008), qui parle des exploits de Falcone et Bordellino pour faire tomber la Mafia en relevant le blanchiment d’argent mais aussi à Origins of the sicilian Mafia : the market for lemons, d’Arcangelo Dimico, Alessia Isopi et Ola Olsson (The Journal of Economie History, janvier 2012) pour, après avoir souligné «la rareté d’un article d’histoire économique qui se lit presque comme un polar», indiquer la possibilité de «le consulter en Researchgate.net».
Viestad remet aussi à la production de mon cher Jared Diamond (sans laquelle j’ose penser n’aurait pas existé le Sapiens de Yuval Noah Harari), tout en prévenant au sujet de Diamond de
«l’importance d’opposer des réserves devant certaines de ses explications» mais aussi de «la presque impossibilité d’ignorer leurs œuvres si l’on s’intéresse à l’histoire de l’humanité».
Comme Viestad finit son livre avec un mini guide (en plus de La Carbonara, autres trois ristorantes romains et la célèbre Gelateria del Teatro et qu’il se permet même, après avoir donné de l’espace à la version étatsunienne de la recette de la carbonara (les provisions des soldats libérateurs, abondants en œufs et bacon, dans la Rome pauvre de la post guerre, serait à l’origine du plat, le bacon remplacé plus tard par du guanciale), d’apporter une autre, à lui et iconoclaste, je ferais dans l’orthodoxie, en vous recommandant vivement de commander votre carbonara iconique dans la trattoria chic aux horaires amples de Saint-Germain-des-Prés, inventée en 1998, sous la forme d’un Caffè** et pour Giorgio Armani, par Massimo Mori, le plus parisien des Italiens.* Je l’ai lu en espagnol, Una cena en Roma, Ed Siruela, 2024, mais il y a aussi une version anglaise, Dinner in Rome (2022).
** Emporio Armani Caffè. 149 boulevard Saint-Germain,
75001 Paris. 7J/7 de 12h à 22h.
Oscar Caballero est journaliste culturel, chroniqueur gastronomique et auteur. Notamment de « Quand la cuisine fait date”.
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Les produits de saison
Les produits que l’on peut légitimement trouver sur nos tables en cette saison.
Le navet
Souvent mal aimé car on l’assimile trop souvent aux légumes racines qui finissent par lasser quand l’hiver est long… Le Navet de printemps est une douceur.
Légèrement sucré c’est un séducteur. Jetez vous sur les bottes de petits navets nouveaux. Idéalement pour l’apéritif. Cela change des radis.
Riche en fibres, faible en calories, bourré de vitamines il est bon pour le foie et les reins.
Convaincus ??
Le Haricot de mouton
Le Haricot de mouton consiste essentiellement dans une viande taillée en morceaux et mise ensuite en ragoût avec pommes de terre et navets. Ce qui n’empêche point nombre de restaurateurs, parfois sérieux, de baptiser ainsi un plat de mouton… aux haricots.
(Source : dictionnaire de l’académie des gastronomes)
Bonjour confrère, Je te lis chaque semaine si tu souhaites passer le périphérique viens voir Gamin à Malakoff. Amitiés. Thierry MORVAN